Cet article est issu du magazine Management
Votre best-seller, la Royal Oak a été commercialisée en 1972… Sauf qu’au début personne n’en voulait.
François-Henry Bennahmias : A l’époque, les montres qui se vendaient étaient des montres plates, en métaux précieux et sur des bracelets en cuir. On est arrivé avec une montre en acier sur un bracelet acier intégré, vendue au prix d’une montre en or… Personne n’y croyait. Les réseaux sociaux auraient existé en 1972, on se serait fait massacrer !
Il lui aura fallu vingt ans pour devenir une référence et trente ans pour devenir une icône horlogère…
Il faut du temps pour construire une légende. On a tenu et aujourd’hui, c’est un des modèles cultes de l’horlogerie. Si on croit au produit, il ne faut pas céder devant la critique. Pour les 50 ans de la Royal Oak en 2022, nous serons autour du thème "Forever young". La raison : elle paraît toujours très jeune et parle toujours à la jeunesse.
Pourtant, avec un premier prix à 20.000 euros, elle ne semble pas destinée aux jeunes consommateurs… A qui vous adressez-vous ?
Nous sommes 8 milliards sur cette planète. Il y a environ 1% de cette population, soit 80 millions de personnes, susceptibles d’acheter une Audemars Piguet. Mais comme je suis quelqu’un de raisonnable, je vais diviser ce nombre par 4. Donc, je m’adresse à 20 millions de personnes qui sont tout en haut de la pyramide sociale. Alors si je n’arrive pas à vendre 40.000 montres à ces gens-là, il faut que je change de métier.
C’est un raisonnement purement marketing, non ?
Non, puisqu’il repose sur un produit exceptionnel, entièrement réalisé à la main en Suisse. Tout cela a un coût. C’est cher, oui, mais c’est comme un restaurant avec trois étoiles au Guide Michelin : il lui est impossible de proposer un repas à 30 euros. Pour lui, la matière première représente à, elle seule, 40% du prix de revient du plat. Et ça, sans les salaires, le matériel, ni même le loyer de la salle de restaurant et l’électricité. La haute-horlogerie, c’est la même chose. D’ailleurs, les visiteurs de notre usine au Brassus comprennent pourquoi une montre vaut ce prix.
>> Découvrez, en images sept montres d'exception
Vous produisez environ 40.000 montres par an. La crise Covid affecte-t-elle votre production ?
Je suis à la tête d’un navire qui se porte bien, dans une industrie qui va mal. Car oui, la crise du Covid-19a eu un impact sur toute l’industrie horlogère. Notre indépendance est une force : cela nous permet de réagir bien plus vite que si nous faisions partie d’un grand groupe. Et d’accepter de diminuer la profitabilité pour ne pas mettre des gens dehors. L’entreprise appartient toujours aux descendants des fondateurs, qui veulent avant tout que la marque, fondée en 1875, existe encore dans 200 ans et soit constante dans sa qualité.
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de limiter la production de certaines pièces pour leur assurer une valeur d’occasion très élevée, voire plus élevée que le neuf ?
Que cette stratégie est intelligente. Les délais d’attente sont longs, mais c’est aussi pour maintenir le niveau de désirabilité du produit. C’est vrai que certains achètent une montre pour la revendre 20% ou 30% plus chère deux jours après… Nous ne pouvons pas l’empêcher, c’est juste que nous l’avons vendue à la mauvaise personne. Mais pour les amoureux de la marque, c’est la preuve qu’ils ont fait le bon choix avec un des rares produits qui ne se déprécie pas de 30% une fois sorti de la boutique.
Est-il vrai que vous êtes devenu patron d’une des plus prestigieuses marques d’horlogerie… alors que vous collectionniez les Swatch ?
C’est vrai. Je suis un autodidacte : je n’ai pas le bac et j’en suis assez fier. J’ai toujours adoré apprendre et comprendre mais j’ai toujours détesté l’école. Je suis entré dans l’entreprise en 1994, après avoir travaillé dans la mode et avoir auparavant été golfeur professionnel, avec un succès très relatif. Les seules montres que je connaissais alors, c’était les Swatch. Je possédais la plus grande collection au monde, avec environ 1.200 modèles… En 1996, j’ai revendu ma collection à Nicolas Hayek (fondateur du Swatch Group), car Swatch n’avait qu’une seule collection de l’intégralité de ses modèles et, par sécurité, ils voulaient en avoir un second exemplaire de chaque.
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