English

"What if I was the first Drag-Queen President?»: Meeting with Babouchka Babouche

  • Home
  • Article
  • "What if I was the first Drag-Queen President?»: Meeting with Babouchka Babouche
"What if I was the first Drag-Queen President?»: Meeting with Babouchka Babouche
Images
  • By electronics-phone
  • 377 Views

« Mesdames, messieurs. En tant que candidate à la présidentielle, je vous adresse mes meilleurs vœux pour l’année 2022. » Il est un peu plus de 16 h ce mercredi 19 janvier, et la drag-queen Babouchka Babouche tourne depuis son appartement de Saint-Denis, en banlieue du nord de Paris, ses vœux aux Françaises et aux Français. La vidéo qui servira de teaser pour une web série consacrée à sa fausse campagne présidentielle est réalisée en quelques prises. Appel au vote, quelques mesures… On pourrait presque y croire.

Mais le tournage est fait sur le mur blanc d’un appartement, entre une barre de fer et l’interphone, le seul matériel utilisé est un iPhone et une lumière, les vœux ont trois bonnes semaines de retard… Quant aux mesures annoncées, elles vont du slogan « Rendez l’argent », à la mise en place de nouveaux droits sociaux, notamment pour les personnes LGBT +, ou à la création d’un impôt sur les riches nommé « ISR », « même si on hésite encore sur le nom ISR car on ne voudrait pas que les habitants de l’Isère se sentent visés ».

La fausse candidate « plus populaire que populiste » se dit à gauche et assume donc une candidature de plus dans ce camp, sans passer par la Primaire populaire, « car je suis arrivée en première et que je suis plus compétente qu’Anne Hidalgo ».

Au-delà de sa personnalité blagueuse et un peu égocentrique, Babouchka Babouche veut amener une réflexion : et si une drag-queen accédait un jour l’Élysée ? « Je serai une présidente pleine de paillettes qui donnerait des droits sociaux à tout le monde », scande-t-elle dans une robe bleue, un assemblage de tutus et de jupons colorés faisant office de perruque sur la tête, et un maquillage bleu bien marqué soulignant ses yeux.

Retrouvez ici tous les épisodes de « Paroles », la série Ouest-France qui donne la parole à des citoyens et citoyennes de tous horizons concernant la politique et l’élection présidentielle

« La politique me fascine »

Deux heures plus tôt, on nous ouvre la porte d’un appartement situé au premier étage d’un immeuble en brique. Ce n’est pas exactement Samy qui nous accueille, pas encore tout à fait son alter ego drag Babouchka Babouche, personnage créé il y a un peu moins de cinq ans à l’occasion d’une scène ouverte pour drag-queens à Paris. C’est un mélange des deux qui se tient devant nous.

Un wig gap sur la tête (sorte de bonnet permettant de tenir les cheveux afin de porter une perruque), une large couche de fond de teint sur le visage et un peu de maquillage sur les yeux. Il manque encore la tenue, la perruque, le rouge à lèvres, de nombreux maquillages à mettre autour des yeux, les faux cils… Une bonne heure de préparation s’annonce.

Palette de fards pailletés posée sur la table à côté de pinceaux et de rouge à lèvres, Samy-Babouchka Babouche, 25 ans, répond à nos questions face à son miroir en oscillant entre traits d’humour et rebonds sur l’actualité. Une référence à Christiane Taubira succède à une blague concernant les vacances à Ibiza de Jean-Michel Blanquer.

« Et si j’étais la première drag-queen présidente ? » : rencontre avec Babouchka Babouche

Parmi les nombreux objets posés dans le joyeux bazar de son salon, on trouve aussi bien des livres d’Hervé Guibert et de Marguerite Duras qu’un vinyle d’Amanda Lear, ou plus inattendu encore, une photographie de la cuisinière Maïté et une autre de l’animatrice Sophie Davant, dédicacée « pour Babouche ». À quelques mètres derrière, sur le mur, une photographie de Gérard Collomb est accrochée. Des gribouillis au feutre rouge ont transformé l’ancien ministre de l’Intérieur en diable.

« Je ne me suis jamais dit que j’allais faire de la politique mais ça me passionne depuis toujours, ça me fascine », explique celui qui est encore pour quelques minutes Samy, étudiant en troisième année à la prestigieuse école parisienne de cinéma de la Fémis. Enfant, ce fils d’une informaticienne et d’un chimiste suivait déjà l’actualité. « Je regardais toutes les émissions politiques ». Le natif de Dinan, ville des Côtes-d’Armor qu’il a quittée à ses 3 ans, se souvient d’une émission d’On n’est pas couché avec Eric Zemmour et Éric Naulleau « alors que j’avais un âge où j’aurais plutôt dû regarder des dessins animés », résume-t-il en rigolant.

Son premier rôle ? Jean-Marie Le Peigne, en CM2

À dix ans, « fasciné par l’élection de 2007 entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal », cet enfant unique qui rêvait d’écrire des histoires, de devenir chef cuisiner ou architecte décide d’écrire une pièce de théâtre sur la présidentielle. Les camarades de CM2 de son école populaire et métissée se prêtent au jeu. Samy rêvait d’incarner Patrick Poivre d’Arvor - « évidemment, c’était avant tous les scandales d’agressions sexuelles et de viols… » -, ça sera finalement Jean-Marie Le Pen, renommé Jean-Marie Le Peigne pour la pièce. « À l’époque, la famille le Pen était complètement taboue et problématique, ça me plaisait de jouer ça. »

Ce n’est que quelques années plus tard que Samy, alors entre la fin du collège et le début du lycée, découvre les drag-queens grâce à Ru Paul drag race, un concours télévisé américain de drag-queen devenu mythique et dont une version française est en préparation.

Mais déjà à dix ans, plusieurs années avant de découvrir ce milieu devenant de plus en plus populaire en France, quelques traits caractéristiques du drag sont déjà dans la pièce écrite par Samy. L’envie de faire rire et de divertir, le plaisir de jouer avec les codes et de surprendre… « C’était une pièce participative où on devait voter à la fin pour décider qui allait au deuxième tour. J’ai eu une voix et Ségolène Royal, qui était jouée par la fille la plus drôle de la classe, a eu toutes les autres. »

Depuis, Samy a eu l’occasion de voter, à de vraies élections. « J’ai voté quasiment à toutes les élections car je suis assez optimiste même si je ne suis pas toujours heureux de mes votes », affirme-t-il en se passant un coup de crayon autour des yeux. Pour quel candidat ou quelle candidate va son suffrage ? En quelques secondes, deux réponses sont apportées : l’une par Samy, l’autre par Babouchka Babouche.

Samy refuse de révéler ses votes passés ni ce qu’il envisage aux élections de 2022, même s’il suffit de lui parler trente secondes pour comprendre qu’il se situe à gauche. « Mais je ne suis pas du genre à être encarté. J’ai du mal à choisir un parti et rester dedans. Et pas question d’être candidat à la présidentielle en civil, il y a bien assez d’hommes qui ont été présidents de la République. »

Pour Babouchka Babouche, qui se présente comme « drag-queen, femme politique et mannequin »sur son compte Instagram suivi par 3 500 abonnés, c’est bien simple : « je vote pour moi-même évidemment… » À un détail près : « Je n’ai pas le droit de vote … »

Si Babouchka Babouche, comme Samy, suit l’actualité politique et s’en sert pour faire rire, tous deux regrettent l’absence des sujets LGBT + dans les débats. Et déplorent l’absence de personnalités ouvertement LGBT + en politique comme ailleurs. « Je trouve cette absence de modèles assez inquiétante. Quand j’étais jeune, je n’avais que la série Glee pour me sentir exister ».

« On a très peu de personnalités LGBT connues en France. Quand on voit tout le harcèlement auquel a été confronté Bilal Hassani, le temps dont on a eu besoin pour obtenir la PMA pour toutes… On est un pays assez réactionnaire là-dessus, ce que nous avait bien prouvé la manif pour tous. Il y a encore tellement de problèmes… »

« Clown pour adulte »

« Si j’avais été hétéro, j’aurais peut-être fait du stand up. Mais c’est le drag, un mélange entre la mode, le théâtre et le Club Med qui m’a attiré », dit Samy-Babouchka Babouche. Cette activité permet de « parler de choses importantes en rigolant ».

Être drag-queen, est-ce donc une façon de faire de la politique ? « On s’est beaucoup battu pour dire que le drag était politique. Moi-même je le disais. Mais je crois que je ne suis plus d’accord avec ça. Le drag ce n’est pas plus politique qu’autre chose ! Une grande partie de ce que l’on fait, c’est juste distraire des gens qui boivent des bières… »

On lui oppose une moue étonnée, alors que de nombreuses drag-queens se revendiquent politiques. « Au début, je voulais vraiment faire la maline et dire des choses très intelligentes sur tous les sujets. Mais je n’ai pas de choses intelligentes à dire sur tout. On pourrait dire qu’être une femme transgenre dans la rue est politique dans ce cas, tout est politique en fait… pas plus le drag qu’autre chose. »

À ce moment de l’interview, l’utilisation du masculin montrant que Samy parle, puis celle du féminin où c’est donc Babouchka Babouche qui prend la parole se succèdent et se mélangent dans de mêmes phrases. Comme à plusieurs reprises au cours de l’après-midi, on ne sait plus très bien si c’est Samy ou Babouchka Babouche qui répond. Les deux en même temps sans doute et en fait, cela n’a pas vraiment d’importance.

Présidentielle 2022. Et vous, quelles sont vos idées pour la France ?
Je contribue

« Pour moi, le drag c’est vraiment être clown pour adulte. Et les clowns disent des bêtises mais pas que… En fait, j’aime bien dire très sérieusement des trucs bêtes ou très bêtement des trucs intelligents ». Un silence. Puis Babouchka Babouche conclut, très sérieuse : « Il n’y a qu’un seul moment où je serai politique : quand je serai élue présidente ». Et si jamais cela ne marchait pas, Babouchka Babouche a tout de même un plan B, qu’elle accepte de confier dans un sourire : « Je serai reine de l’Assemblée nationale ».

Partager cet article
« Et si j’étais la première drag-queen présidente ? » : rencontre avec Babouchka BaboucheOuest-France.fr