Disruptives, polémiques et très critiquées, les cryptomonnaies pourraient cependant être une opportunité pour les banques de mieux connecter avec les besoins clients, notamment sur le sujet stratégique de l'épargne financière.
Depuis quelques mois et la récente explosion des investissements vers les cryptomonnaies, la plupart des institutions et des établissements bancaires ont formulé des prises de position extrêmement offensives à l'égard de ces actifs, à l’échelon national comme international.
En France, cette posture se manifeste par une réticence de certaines banques à réaliser les virements des investisseurs vers les "exchanges" comme Kraken, Binance ou Coinbase, ces plateformes qui vous proposent d’acheter des cryptomonnaies et de les détenir pour vous.
Le choix qui est fait aujourd’hui est donc principalement de décourager ces investissements. Si la position des banques peut se comprendre comme une démarche de protection de leurs épargnants, un chemin plus orienté client est peut-être possible, sans perdre de vue cet objectif de protection.
Haro sur les cryptos
Les arguments mis en avant ne manquent pas pour décrédibiliser les cryptomonnaies auprès des potentiels investisseurs. Ces arguments sont néanmoins vigoureusement contestés par les défenseurs desdites cryptomonnaies, et pas toujours sans pertinence.
Résumons les principales objections et leurs contre-attaques par les crypto-fans :
- Les cryptomonnaies seraient très volatiles. Difficile de contester ce point, et c’est peut-être le seul qui ne sera pas remis en cause par les défenseurs des cryptomonnaies. On observe en effet de fréquentes variations quotidiennes de valorisation de l’ordre de + ou – 20%. Autre point : pas de clôture des cotations à 17h30 ni de fermeture le week-end. Les cours des cryptos sont actifs 24h/24 et 7 jours sur 7, ce qui ajoute au risque de perte potentielle. Vous pouvez ainsi vous réveiller un dimanche matin avec un portefeuille sérieusement amputé si vous avez omis de paramétrer les ordres adéquats.
- Les cryptos contribueraient à financer des activités illégales du fait de leur manque de traçabilité. Certaines transactions illicites sur le Darknet ou des opérations classiques de phishing ont effectivement recours à des cryptomonnaies. Cependant les adeptes de Bitcoin aiment à rappeler que les monnaies traditionnelles, notamment sous forme d’espèces, restent les principaux véhicules financiers de la délinquance. En France par exemple, le seul marché des stupéfiants représente chaque année 3,5 milliards d’euros en espèces, avec une traçabilité également contestable.
- Les cryptomonnaies seraient un désastre écologique. Là-aussi les contre-arguments fusent. Certains rétorqueront que le minage utilise beaucoup de sources d’énergie qui ne seraient de toute façon pas consommées, d’autres que certaines blockchains (notamment Ethereum) sont en train de prendre un virage écologique avec le passage de la "preuve de travail" à la "preuve d’enjeu".Avec ce nouveau process, la validation des transactions nécessitera à l’avenir beaucoup moins de puissance de calcul que celle requise aujourd’hui.
- Plus directement, les cryptomonnaies ne serviraient tous simplement à rien. A l’heure du sans contact sur mobile, pas vraiment de valeur ajoutée en effet à acheter sa baguette de pain avec des bitcoins. Elles ne constitueraient même pas une réserve de valeur, au regard de leur forte volatilité. Mais il s’agit là d’une vision occidentale, formulée depuis un pays dans lequel l’inflation est mesurée, la monnaie stable, et la confiance dans les institutions financières relativement forte. Comment, à l’inverse, reprocher à un Argentin d’investir dans le Bitcoin quand sa monnaie, le peso argentin, a perdu plus de 30% de sa valeur face au Dollar en 2020 ?
Un engouement à transformer en opportunités pour les établissements bancaires classiques
Au-delà de ces querelles d’arguments, il convient de s’interroger sur ce que cet engouement nous dit des besoins plus profonds des investisseurs. Nous nous intéresserons ici au marché français, les contextes étant en effet fortement différents selon les pays.
Voici donc quelques constats qui pourraient représenter autant d’opportunités pour les acteurs bancaires :
Au final, il y a sans doute matière pour les banques à développer un discours moins martial, tout en préservant leurs intérêts et ceux de leurs clients, comme l’a fait récemment Boursorama. La banque en ligne a fait le choix d’intégrer dans son agrégateur bancaire la possibilité de visualiser les fonds détenus sur les plateformes de cryptomonnaies, une approche "crypto-friendly" relativement unique sur le marché, et évidemment bien perçue par les investisseurs concernés.
Il y a quelques années, l’industrie musicale a réussi à lutter contre le piratage le jour où elle a considéré les plateformes P2P non plus comme plus comme de vulgaires hors-la-loi, mais comme des concurrents, ce qui l’a amenée à s’interroger sur les besoins-clients non couverts par les solutions légales. Le résultat fut le développement d’offres résolument orientées client (Spotify, Apple Music ou Deezer). Même si le parallèle est très lointain, il permet de replacer le client au centre du débat. Peut-être un exemple à méditer pour les banques ?
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