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Aux échecs, l’homme est-il condamné à perdre face aux ordinateurs ?

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Aux échecs, l’homme est-il condamné à perdre face aux ordinateurs ?
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La Croix : L’ordinateur est-il toujours plus fort que l’être humain aux échecs ?

Lisa Rougetet : En théorie, l’ordinateur n’est pas plus fort. Mais les machines ont deux avantages : leur puissance de calcul pour mieux prévoir l’avancée de la partie et leur mémoire phénoménale des parties déjà jouées. L’ordinateur stocke une quantité d’informations qu’un être humain serait incapable de retenir et sait les « trier » à une rapidité exceptionnelle.

L’idée de base du jeu d’échecs est de ne pas jouer au coup par coup mais d’anticiper les réactions de l’adversaire et de construire une stratégie. Or l’ordinateur anticipe plus que l’homme : un très bon joueur d’échecs peut prévoir jusqu’à 7 ou 8 échanges en avance, tandis que l’ordinateur peut aller beaucoup loin.

Mais il peut y avoir des configurations où l’homme bat la machine, grâce à son intuition ou son imprévisibilité. Par exemple, en 2007, le champion américain Hikaru Nakamura a réussi à faire tourner en rond l’ordinateur Rybka en jouant une partie complètement aléatoire, sans tactique. Au total, près de 150 coups ont été échangés entre les deux, ce qui est énorme aux échecs, et Hikaru Nakamura a fini par gagner cette partie.

Les ordinateurs ne sont-ils pas désormais plus « intelligents » ?

Aux échecs, l’homme est-il condamné à perdre face aux ordinateurs ?

L. R. : Les ordinateurs spécialisés dans les échecs sont des supercalculateurs, qui possèdent en plus une forme d’intelligence artificielle sommaire. À l’époque de Deep Blue, en 1997, c’étaient essentiellement de gros calculateurs qui gardaient en mémoire les parties déjà jouées pour « apprendre » de leurs erreurs. Il y a ensuite eu une amélioration des algorithmes, grâce à des heuristiques, c’est-à-dire des méthodes de calcul qui fournissent rapidement une solution, même si celle-ci n’est pas optimale.

Désormais, les savoirs en matière d’échecs, des connaissances des parties et des stratégies, ont été « inculqués » aux ordinateurs, qui possèdent toutes les combinaisons possibles et peuvent donner du sens aux positions. Un ordinateur peut ainsi choisir de sacrifier certaines pièces ou de perdre une partie, car l’expérience, que l’être humain lui a renseignée, lui apprend que cela ne sert à rien de continuer.

Peut-on imaginer prochainement un ordinateur qui improviserait une stratégie aux échecs ?

L. R. : Un ordinateur n’est pas capable d’improviser, il a été programmé par l’homme. Mais parfois, dans l’histoire du jeu d’échecs, des machines ont dévoilé des réponses à certaines positions qui étaient tout à fait innovantes et surprenantes à ce moment-là dans le jeu, pour se révéler fructueuses dans la suite de la partie.

Du fait de la grande diversité des stratégies en mémoire et du nombre de calcul qu’il peut effectuer, un ordinateur peut ainsi donner l’impression d’improviser en exploitant simplement des positions qui ne l’avaient encore jamais été par l’homme. Des fois, les ordinateurs peuvent donc déstabiliser leurs adversaires humains, et même les ingénieurs qui les ont conçus ! Cette idée de surprise est très importante car elle met en avant les limites de la machine et celle de l’homme.

La machine ne se laisse pas déstabiliser, elle ne fatigue pas, elle n’a aucun sentiment en jeu lors d’une partie d’échecs. Les ordinateurs d’échecs n’ont pas conscience de l’identité de leur adversaire, ils n’ont pas de ressenti vis-à-vis du match. Le joueur humain, lui, est humain avec tout ce que cela implique psychologiquement parlant. C’est à la fois son handicap et sa grande richesse.