Par Camille Lestienne Publié
LES ARCHIVES DU FIGARO – Le 18 octobre 1996, à 23 heures, la France rajoutait deux chiffres à la numérotation téléphonique. L'aboutissement d'un siècle de progrès et de diffusion des services téléphoniques.
«Ce soir les Français compteront jusqu'à 10», annonce Le Figaro le 18 octobre 1996. A 23 heures en effet, «avec une précision du milliardième de seconde, les 1335 centraux électroniques du réseau commute national se reprogrammeront automatiquement pour prendre en compte la numérotation à dix chiffres ». Les Français devront alors s'habituer à rajouter deux chiffres distincts selon la zone d'habitation. Du 01 pour l'Ile-de-France au 05 pour le quart sud-ouest de la France. Le 06 est attribué aux services mobiles, GSM et Bi-Bop. Le 16 entre la Province et Paris disparaît, tout comme le 19 vers l'étranger et les TOM, remplacé par le 00. Il s'agit alors de s'adapter à l'explosion des services de télécommunications et préparer l'ouverture à la concurrence. Il y a alors 32 millions d'abonnés et la demande de nouveaux numéros est évaluée à un million par an.
Lire le dossierNOTRE DOSSIER - Les évolutions du mobile des années 90 à nos jours
L'ère des demoiselles du téléphone
Un siècle plus tôt, en 1893, les premiers numéros faisaient leur apparition dans les grands centres de province puis trois ans plus tard dans les centres Passy et Wagram de Paris. Les abonnés se comptent alors en milliers dans la capitale alors que le premier réseau est apparu en 1880. C'est l'éclosion des «demoiselles du téléphone», célébrées dans les colonnes du Figaro par Marcel Proust, mais bien plus souvent accusées de tous les maux quand l'appel n'aboutit pas. Le métier pourtant est dur. Ces jeunes femmes, recrutées sur concours et prioritairement filles, femmes ou sœurs d'employés des postes, sont de service sept heures d'affilée. Longtemps debout, elles gagnent dans les années 1890 le doit d'être assises avec des installations plus modernes. La bouche face à une plaque en forme de cornet, les récepteurs «collés aux oreilles au moyen d'un ressort d'acier qui passe sur la nuque», elles manient avec une « dextérité prodigieuse, raconte Le Figaro en 1896, les tiges qui sont placées dans les Jack et qui sont enlevées dès que la communication est terminée ». L'appelant qui auparavant devait donner le nom et l'adresse de l'abonné n'a plus qu'à donner le numéro de son abonnement composé de cinq chiffres. Pour joindre Le Figaro par exemple, il fallait demander en 1908 le 102.46.
Automatisation et postes à cadran
À partir de 1912, les numéros se composent du nom complet du central et d'un numéro mais dès l'année suivante, une petite révolution pose ses premiers jalons. À Nice, les premiers essais du téléphone automatique inventé par l'américain Almon B. Strowger sont tentés en octobre 1913. L'abonné peut alors composer lui-même le numéro de son correspondant. La généralisation du système cependant se fait lentement, laissant coexister encore longtemps centraux manuels et automatiques. Ce n'est qu'en 1928 que le téléphone automatique débute son installation à Paris, d'abord sur le central Carnot. Les numéros sont alors composés des trois premières lettres du central — CAR pour Carnot, ODE pour Odéon — suivies de deux fois deux chiffres. En 1932, Le Figaro installé au rond-point des Champs-Élysées est joignable aux ELYsées-98-31 jusqu'au 98-38. Les abonnés sont alors dotés de postes à cadran «présentant une couronne de fenêtres circulaires où sont inscrits les chiffres et les lettres».
À lire aussi28 mars 1928 : Allo, New York? Ici Paris
Un retard phénoménal
En 1955, il est décidé d'arrêter l'emploi des lettres pour la numérotation qui passe à six chiffres au niveau régional accompagné d'un préfixe de deux chiffres désignant le département. La région parisienne attend 1963. Paris passe alors à sept chiffres. Le fameux BALzac 00-01 de Jean Mineur publicité bien connu des cinéphiles devient 225-00-01. La France accuse toutefois un retard phénoménal dans le déploiement des lignes téléphoniques. En 1968, 15,2% des ménages seulement sont équipés, 11% dans les communes rurales, moins de 4% chez les ouvriers. Les appels se passent encore bien souvent dans les bureaux de poste immortalisés par le sketch de Fernand Reynaud, le «22 à Asnières». Les téléphonistes sont encore bien souvent aux manettes jusque dans les années 70.
Passage à huit chiffres puis dix
En 1985 enfin, un nouveau plan de numérotation est mis en place le 25 octobre. Les numéros passent à huit chiffres pour les 23 millions d'abonnés que compte le pays. Paris et sa banlieue, déjà à sept chiffres gagnent le préfixe 4, 6 ou 3, Lyon et sa région le 7, la Moselle le 8. Ailleurs c'est le préfixe régional à deux chiffres qui s'ajoute. «90% des ménages disposent à présent du téléphone, se félicite Le Figaro, et au rythme d'un million de lignes par an, la France sera totalement équipée en 1987.» Les délais de raccordement qui pouvaient être de plusieurs années dans les années 60 sont maintenant satisfaits en moins de 15 jours pour 80% des demandes. Entre-temps des efforts considérables ont été menés grâce au plan d'action prioritaire imposé par Valéry Giscard d'Estaing en 1974 et suivi ensuite par le gouvernement socialiste. En dix ans, de 1975 à 1985, 150 milliards de francs ont été investis, permettant à la France de rattraper ses voisins européens avec 40,5 lignes principales pour 100 habitants.
Mais voilà, onze ans plus tard, les huit chiffres ne suffisent déjà plus. On passe à dix, un nouveau système qui devrait permettre de faire face à la demande jusqu'en 2040 selon France Télécom qui, pour l'occasion, orchestre une vaste campagne de communication de six mois et de 120 millions de francs. «Actuellement, 32 millions d'abonnés sont raccordés, décrypte Le Figaro, et la demande reste explosive, dépassant un million de nouveaux numéros par an. Et cela ne semble pas près de s'arrêter : banalisation du fax, généralisation du téléphone portable, vogue croissante des raccordements à internet et choix entre différents opérateurs privés ». Car l'ouverture à la concurrence se profile pour le 1er janvier 1998.
En attendant, le jour J, à l'heure H, 3500 agents de la compagnie dont 2000 techniciens sont sur le pont pour le grand basculement. Qui se souvient qu'à cet instant-là disparaissait aussi la succession de petits bips qui suivait la composition du numéro ?
SOS Hôpital public : nos révélation...
Les meilleurs smartphones pour le g...
Google Maps : activez le nouveau wi...
Les astuces Free en vidéo : Free Mo...