Avec les pénuries persistantes de consoles de nouvelle génération, certains pourraient penser à juste titre que le salut se trouve sur PC. Après tout, si monter un ordinateur de jeu peut représenter un coût conséquent, il permet aussi de ne pas être dépendant d’un seul constructeur au moment de choisir une carte graphique (ou GPU), la pièce la plus importante avec le processeur. À première vue, du choix, il y en a : ASUS, Msi, PNY, EVGA… Cependant, quiconque s’est penché sur la question sait bien que quand on parle de GPU, seuls deux constructeurs sont essentiels : AMD et Nvidia. Ce sont les deux principaux fabricants de « chipsets » graphiques — le jeu de puces qui déterminera la puissance de la carte — et qui fournissent tous les autres. Or, comme tous les produits électroniques, ces chipsets graphiques ont besoin d’énormément de semi-conducteurs pour fonctionner. Ils n’échappent donc pas à la pénurie qui touche aussi actuellement les consoles, mais aussi les smartphones et les voitures.
Neuf, occasion : les prix s’envolent partout
Lancés officiellement le 17 septembre 2020, les GeForce 3000 représentent la toute dernière gamme de cartes graphiques de Nvidia. Elle a suscité l’engouement des joueurs PC, tant le rapport puissance/coût était intéressant. Néanmoins, à part ceux qui ont commandé immédiatement, peu sont ceux qui ont pu mettre la main sur ces cartes aux prix annoncés, car les ruptures de stock se sont rapidement fait sentir. Comme pour le marché des consoles, des acheteurs opportunistes — les fameux « scalpers » — se sont rués sur les rares exemplaires disponibles et ont commencé à les revendre au double ou au triple du prix conseillé sur des sites comme eBay ou Le Bon Coin.
La situation s’est ensuite aggravée au fil des semaines au point de toucher le marché de l’occasion. Des cartes vieilles de deux générations ou plus, qui peuvent avoir 5 à 6 ans, se négocient parfois à des montants plus élevés qu’au prix du neuf à leur sortie. La demande est si forte et l’offre si faible que les constructeurs eux-mêmes ont augmenté les tarifs.
Prenons l’exemple de la RTX 3080, une des plus populaires et puissantes, dont le prix conseillé oscillait généralement entre 720 € et 1 000 € à son lancement en fonction des marques. Un petit tour sur le site de Nvidia révèle qu’aujourd’hui pratiquement plus aucun produit ne se positionne sous la barre des 1 000 €. Constat identique sur les autres cartes de la gamme, le prix conseillé de la plus modeste et toute récente RTX 3060 a directement été placée dans la même fourchette que celui de la RTX 3070 tel qu’il était en septembre dernier.
Un marché frappé par une « tempête parfaite »
Comment est-on arrivé à cette situation invraisemblable ? Un alignement des pires planètes au même moment ? Certains observateurs parlent de la « tempête parfaite ».
Côté offre, la production de semi-conducteurs a été bouleversée par la crise sanitaire, provoquant des retards dans la fabrication des puces. Un vendeur d’une célèbre enseigne spécialisée sur le PC qui a accepté de parler à Ouest-France sous couvert d’anonymat dépeint un véritable effet papillon aux conséquences impressionnantes. « Sur certaines chaînes de production, une toute petite perturbation et ça devient une vraie galère, constate-t-il, un blocage de cinq heures en usine, ça crée cinq mois de retard en magasin. »
De surcroît, il demeure impossible pour les constructeurs d’augmenter la cadence, car dans le monde de l’électronique, les commandes se passent des mois à l’avance. Comme si cela ne suffisait pas, Taïwan, qui héberge une des principales usines de semi-conducteurs dans le monde, connaît sa pire sécheresse depuis 56 ans. Ironie du sort, la fabrication de ces composants demande justement beaucoup d’eau.
L’acheminement par bateau a également été touché par les conséquences du Covid-19. « La crise a aussi mis le chaos dans les moyens d’approvisionnement, sans parler del’incident de l’échouement de l’Ever Given sur le canal de Suez, constate ce vendeur, les prix des conteneurs ont explosé. »
Cerise sur le gâteau : le boom des cryptomonnaies
Dernier problème, et non des moindres, les amateurs de jeux vidéo ne sont plus les seuls à s’emparer des cartes graphiques, les acteurs des cryptomonnaies sont également à la recherche de cette denrée rare. Ces composants sont en effet particulièrement efficaces pour résoudre les complexes équations nécessaires au fonctionnement de certaines cryptomonnaies, principalement l’Ethereum. Pour résumer, en mettant les GPU au service du réseau, ceux qu’on appelle les « mineurs » se voient récompensés d’une commission pour chaque transaction traitée. Et comme les cours de ces monnaies se sont envolés ces derniers mois, les milliers d’euros investis en cartes graphiques sont rentabilisés en un clin d’œil.
« Les constructeurs essayent de mettre des protections contre le minage, mais elles finissent toujours par être contournées, explique le vendeur « pour ne rien arranger, on a des cartes comme la RTX 3060 qui ont un rapport consommation/efficacité particulièrement attractif pour les « mineurs ». » De surcroît, ces acheteurs-là sont insatiables. Là où un joueur lambda se procurera une seule carte graphique avant de se retirer de la demande, le « mineur » tentera d’en acquérir autant qu’il pourra. Certaines « fermes » de minage en Chine sont ainsi composées de centaines de cartes graphiques alignées dans d’immenses hangars uniquement pour créer de la valeur sur les cryptomonnaies. « Les plus gros « mineurs » ne vont pas dans les magasins, ils achètent les cartes graphiques par palettes entières directement en Chine, fraîchement sorties d’usine », explique-t-il.
Acheter ses composants au détail est devenu très coûteux et difficile
Dans les boutiques, en France ou ailleurs, les gérants essayent malgré tout de mettre les GPU entre les mains des joueurs. « On cherche vraiment à éviter de céder les cartes aux « mineurs » et aux scalpers , explique le vendeur, c’est pour ça qu’on cache les stocks aux gens qui ne veulent acheter qu’un GPU. Si par contre quelqu’un vient et souhaite prendre une machine complète, là, oui, d’un coup j’aurai du stock pour eux.»
Les prix des cartes graphiques ont d’ailleurs tellement explosé qu’il est devenu intéressant de craquer pour un PC préconstruit. « Une partie du plaisir, c’est de monter son PC, bien sûr, mais étant donné le contexte, il faut savoir faire des concessions, déplore-t-il. C’est contre-intuitif, mais prendre son PC tout prêt est une bonne idée aujourd’hui. »
D’autres composants se raréfient également. À cause des consommations élevées de ces nouvelles cartes, les alimentations de haute puissance deviennent difficiles à trouver. Dans les prochaines semaines, les observateurs s’attendent à voir le prix des barrettes de RAM exploser. De nouvelles cryptomonnaies exploitant le stockage des ordinateurs pourraient aussi faire subir le même sort aux disques SSD. Quant au télétravail généralisé, il a fait fondre les stocks des écrans, notamment ceux d’entrée de gamme.
Certains scénarios ne prévoient pas un retour à la normale avant 2023
Et les prévisions à moyen et long terme ne sont pas bonnes. Les principaux acteurs du secteur s’accordent à dire que la pénurie pourrait durer jusqu’en 2023. Seul un crash global — et peu probable à court terme — des cryptomonnaies pourrait éventuellement permettre un arrivage massif de cartes sur le marché de l’occasion, ce qui ferait mécaniquement baisser les prix. Cependant, attention au matériel épuisé par des heures et des heures de minage intensif !
Les perspectives sont bien sombres pour les joueurs PC. « Si j’avais qu’un seul conseil à donner, c’est de considérer la possibilité de ne pas changer de carte graphique », explique le vendeur. Si vous avez une GTX 1070 par exemple, essayez de trouver des moyens d’optimiser votre configuration pour la faire tenir encore un ou deux ans, surtout si vous avez un écran simplement HD. »
Pour jouer en 4K, reste toujours l’alternative d’acheter une console de nouvelle génération, malgré les pénuries et la difficulté d’en trouver une. Au point où en sont les cartes graphiques aujourd’hui et contre toute attente, il semble que ça soit la « moins pire » des solutions.
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