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« Z Event ». Il est temps de mettre des règles pour ne pas gâcher la fête

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« Z Event ». Il est temps de mettre des règles pour ne pas gâcher la fête
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10 millions d’euros accumulés en 2021 pour Action contre la Faim, ce n’est pas rien pour un marathon caritatif tel que le Z Event. On s’approche doucement, mine de rien, d’un Téléthon en termes d’argent récolté. À titre de comparaison, en 2019, l’émission avait atteint un peu plus de 74 millions d’euros de promesses de dons.

C’est pourtant après le clap de fin de cette édition du marathon orchestré par de nombreux streameurs francophones que la polémique a réellement commencé à enfler. En sa qualité de plus gros événement caritatif sur Twitch au monde, de nombreux internautes ont exhorté l’organisation du Z Event — largement incarnée par le streamer Adrien « ZeratoR » Nougaret — à prendre ses responsabilités quant au contenu proposé, notamment à un jeune public.

Un dérapage et un effet de meute

Petit rappel des faits. Lors du dernier jour de l’événement, dans le cadre d’un de ses objectifs de dons, le streamer Inoxtag a fait venir par avion l’actrice mexicaine Andrea Pedrero, rencontrée au cours un voyage. « La Sirène », comme elle est surnommée par son hôte, s’est ainsi prêtée à l’exercice des questions-réponses plus ou moins graveleuses le tout saupoudré de remarques particulièrement insistantes sur son physique.

Le jeune streamer, lui, a également fait répéter des phrases grossières en français alors qu’elle ne parle pas la langue, et ce devant un public qui a parfois culminé à 453 000 spectateurs simultanés (un record pour une chaîne Twitch française à ce moment-là).

La séquence a choqué, y compris sur place. La streameuse Ultia s’est notamment plainte immédiatement auprès de ZeratoR du caractère sexiste de la démarche. Un geste qui n’a pas eu d’effet concret, sinon celui d’attirer sur elle l’ire de la communauté d’Inoxtag, qui est allé jusqu’au harcèlement sur les réseaux sociaux. Il faut tout de même souligner que l’intéressé est venu s’excuser directement sous la publication d’Ultia après avoir écouté les raisons de son mécontentement.

Beaucoup d’organisateurs à la tête d’événements de cette ampleur auraient certainement fait amende honorable dans un communiqué a posteriori pour expliquer le dérapage et les mesures prises pour que cela ne se reproduise pas. Peut-être même en annonçant des sanctions, même symboliques, pour marquer le coup. Au lieu de ça, ZeratoR a écrit une série de tweets dans lesquels il se moquait ouvertement de ses détracteurs.

« Z Event ». Il est temps de mettre des règles pour ne pas gâcher la fête

Des messages depuis effacés et remplacés par d’autres, un peu plus repentants.

L’expérience de la charte stricte lors du GDQ

Pourtant, si le format du Z Event est assez novateur, il est loin d’être le premier marathon caritatif sur Twitch. Les GDQ, pour Games Done Quick, sont des événements semestriels (AGDQ l’hiver et SGDQ l’été), qui se déroulent également dans un lieu physique unique (en tout cas, avant la crise sanitaire) et qui permettent eux aussi de récolter des millions de dollars.

Ils se tiennent depuis bientôt douze ans et on a du mal à imaginer un incident comme celui qu’a connu le Z Event rester sans conséquence s’il était survenu sur sa scène.

Il existe même un règlement extrêmement strict, disponible sur le site officiel. Et sur la question du harcèlement, qu’il soit sexuel, moral ou racial : aucun écart n’est autorisé.

« Si une personne est surprise en train d’avoir un tel comportement, l’organisation de Games Done Quick prendra promptement les mesures qui lui sembleront adéquates pour redresser la situation, dont l’exclusion et une possible interdiction de revenir aux futurs événements Games Done Quick. »

Et ces règles s’appliquent à tous : « Il est attendu de TOUT LE MONDE dans l’assemblée, dont le personnel, la presse et les partenaires, de respecter cette politique à tout instant et sera logé à la même enseigne que n’importe quel autre participant. » Concernant les joueurs, le règlement ajoute plus loin : « N’importe quel discours ou comportement qui pourrait tomber sous le coup de notre politique concernant le harcèlement indiqué dans notre règlement n’est pas permis en stream. »

Ces règles demandent notamment de ne pas proférer d’insultes afin de garder le contenu « familial ». Les costumes que des participants souhaiteraient arborer doivent aussi être validés en amont de l’événement par l’organisation. Si cette charte est en vigueur pour les lieux ouverts au public, il est également requis des intervenants et des bénévoles de rester respectueux en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux.

En cas de manquement, les badges d’accès peuvent être marqués par l’organisation, comme une sorte de carton jaune. Si un deuxième écart est constaté ou si l’infraction est sérieuse, une exclusion immédiate sera de mise.

Un règlement dont il est possible de retrouver dès l’AGDQ 2012, soit la 3e édition de l’événement. Avec le temps et les incidents, elles n’ont cessé de s’étoffer depuis, sans pour autant gâcher la fête : les GDQ sont toujours des moments extrêmement bon enfant et lucratifs pour la charité.

Vers un meilleur cadre pour le Z Event ?

Le Z Event, qui en est quand même à sa 6e édition, devrait peut-être commencer à s’inspirer de son grand frère américain via la mise en place d’une charte, visible de tous. Cela enverrait un signe fort quant à sa volonté d’organiser une manifestation sûre et inclusive.

Évidemment, le déroulé du Z Event est bien plus composite. Contrairement aux GDQ qui n’utilisent qu’une seule chaîne Twitch, chaque streamer anime son propre flux sur sa propre page, possède son propre programme et on pourrait se dire qu’ils sont chacun responsables individuellement de ce qui est dit et montré.

Cependant, tous arborent le même logo Z Event et tous, de facto, représentent également l’association caritative à laquelle l’événement est consacré. De ce fait, si le Z Event ne fait rien ou ne condamne pas les « dérapages » des streamers, alors c’est un problème. Si un streamer avait organisé une activité en direct impliquant un énorme gâchis de nourriture, cela n’aurait-il pas été problématique quand les dons sont reversés à Action contre la Faim ?

Parce qu’évidemment, on ne va pas demander au Z Event d’être présent partout, à chaque instant et de prédire les comportements hasardeux. Mais un début de solution pourrait se trouver dans la soumission obligatoire des donations goals (ces fameux objectifs de dons qui poussent les streamers à réaliser des gages ou des défis) à l’organisation en amont de l’événement. Par exemple, la venue d’Andrea Pedrero faisait partie d’un de ces donations goal.

Contrairement aux GDQ, le Z Event n’accueille pas de public. Il n’empêche qu’afficher un code de conduite des streamers en ligne pour montrer quel est le positionnement de l’organisation sur ce qu’il est possible et ce qu’il est interdit de faire pendant l’événement serait plus sain pour tout le monde. En tout cas, il permettrait au Z Event de ne pas se retrouver dans le marasme communicationnel qu’il a connu dès le lendemain via les tweets malheureux de ZeratoR.

Si rien ne change et tant que le Z Event prendra de l’ampleur, ce genre de comportements abusifs et les justes polémiques qui en découlent auront toutes les chances de se reproduire. Le Z Event est une réussite caritative incontestable. Une authentique fête dans laquelle les spectateurs et les intervenants prennent du plaisir tout en agissant pour la bonne cause. Ne gâchons pas tout cela, par simple peur de vouloir trop bien faire.

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