Santé au travail. Des conseils pour télétravailler sans abîmer ou fatiguer ses yeux

Les conditions du télétravail font que l’on passe mécaniquement plus de temps sur écran. Ce qui n’est pas sans conséquences sur notre santé visuelle. Nous avons interrogé deux spécialistes sur les bonnes techniques permettant de limiter cet impact négatif. La Pr Claude Speeg est cheffe du service d’ophtalmologie du CHRU de Strasbourg. Raphaël Amar est orthoptiste et directeur du pôle santé visuelle du fabricant de verres Zeiss.

Y a-t-il des maladies visuelles liées au télétravail ?

Claude Speeg : Le télétravail ne déclenche pas de maladie mais peut révéler des déséquilibres latents. Une sécheresse oculaire, des troubles oculomoteurs (les yeux convergent mal). Et plus l’écran est petit, plus il y a fatigue visuelle.

Raphaël Amar : La fatigue visuelle se manifeste par des douleurs oculaires, des maux de tête, des douleurs cervicales, une vision dédoublée, de la sécheresse oculaire.

La sécheresse oculaire est-elle inévitable quand on travaille sur écran ?

Claude Speeg : Plus on est sur écran, moins on cligne des yeux. Un peu de sérum physiologique, toutes les deux heures, permet d’y pallier. On peut aussi appliquer sur les paupières une compresse d’eau chaude avec un gant de toilette propre, afin de libérer les bonnes graisses qui vont permettre de préserver l’hydratation de la cornée.

Quand faut-il faire des pauses ?

Claude Speeg : Je n’ai pas de temps précis, mais s’arrêter cinq minutes de temps en temps est nécessaire.

Raphaël Amar : Une pause écran de 5 à 10 mn toutes les heures, ou de 15 minutes toutes les deux heures me semble bien. En se forçant à regarder au loin pour soulager l’accommodation.

Que pensez-vous du massage ou du « yoga » des yeux ?

Claude Speeg : Pour la sécheresse oculaire pourquoi pas, mais s’il s’agit de corriger des problèmes d’accommodation, mieux vaut le faire avec un orthoptiste que tout seul.

Faut-il des lunettes spécifiques pour le travail devant écran ?

Raphaël Amar : Il faut déjà porter ses lunettes et avoir des verres adaptés à sa vision. Avec l’usage combiné du smartphone et de l’ordinateur, il y a beaucoup plus de sollicitations de la convergence et de l’accommodation. De nouvelles générations de verres progressifs prennent en compte ces facteurs.

Claude Speeg : Aujourd’hui encore, j’ai reçu une patiente qui ne supportait plus ses verres progressifs classiques. Oui, je pense qu’il est bien de porter des lunettes adaptées à la vision intermédiaire et à la vision de près (si l’on est presbyte).

Les filtres à lumière bleue sont-ils vraiment utiles ?

Claude Speeg : La lumière bleue des télés, des ordinateurs, des tablettes perturbe beaucoup le cycle de la mélatonine et donc le cycle du sommeil. Les filtres sont une bonne chose, d’autant qu’ils protègent peut-être d’effets à long terme d’une dégénérescence de la macula.

Raphaël Amar : Tous les écrans émettent de la lumière bleue, mais le soleil en reste le principal émetteur. Les filtres actuels arrêtent bien la fraction nocive de la lumière bleue et laissent passer la fraction nécessaire aux rythmes biologiques. Visuellement, il n’y a pas d’effet d’altération des couleurs.

Comment faut-il se positionner dans la pièce ?

Claude Speeg : Pas dos à une fenêtre. Plutôt de façon perpendiculaire à celle-ci.

Raphaël Amar : Il est conseillé d’adapter la lumière, avec un éclairage pas trop agressif, mais à peu près aussi lumineux que l’écran.

Pour la santé visuelle, quelle est la bonne position face à l’écran ?

Raphaël Amar : La tête droite avec le haut de l’écran à hauteur des yeux. Une mauvaise posture de la tête peut générer des douleurs cervicales. La règle est de se positionner à une distance d’1,5 fois la diagonale de l’écran.

Et si on est obligé de travailler sur ordinateur portable ?

Raphaël Amar : Ce n’est pas idéal. Il faudrait pouvoir surélever l’ordinateur pour avoir l’écran en face des yeux, avec un clavier déporté.