Une musique pour ordinateur avant les ordinateurs
Nous sommes dans la première partie du XXe siècle avec un compositeur vraiment fascinant. En général, et tous les compositeurs qui nous écoutent le savent bien : nous sommes bien d’accord que lorsque vous composez, vous avez des interprètes en tête. Pas forcément une personne en particulier, mais au moins un effectif, un orchestre, un quatuor, un pianiste plus ou moins bon, etc.Mon compositeur d’aujourd’hui : non. Il compose des pièces si difficiles qu’elles ne peuvent être jouées que par un instrument de musique qui, si on réfléchit, au fond, est techniquement le premier ordinateur au monde : le piano mécanique. Il s’agit du compositeur américain Conlon Nancarrow (1912-1997).
Extrait 1 - "Study 21", par un piano mécanique
ⓘ PublicitéRadio France ne vous demandera jamais de communiquer vos coordonnées bancaires.Nous entendons un peu le mécanisme derrière : cette étude n°21 de Conlon Nancarrow qui date du début des années 60 est jouée par un piano mécanique, c’est-à-dire que la partition a été perforée sur une feuille et que le piano reconnaît un trou comme étant une note. Pour Conlon Nancarrow, cet instrument qui a toujours été considéré un peu comme un gadget est une aubaine puisqu’il peut tout faire : vous pouvez percer autant de trous que vous voulez, faire 20 notes à la seconde, jouer plus de notes en même temps que les 10 doigts de la main, et il le fera. Et c’est parfait pour lui, parce qu’il a en tête des musiques bien trop compliquées pour être jouées par des humains.
En quelques mots...
Conlon Nancarrow est né en 1912 dans l’Arkansas. A 25 ans, il est parti en Espagne combattre les fascistes, et de retour aux Etats-Unis, ses sympathies communistes lui valent de plutôt s’installer à Mexico où il restera jusqu’à la fin de sa vie. Il fréquente autant Schoenberg que Cage et Ligeti. Mexico n’étant pas exactement à cette époque un havre de public assoiffé de musique contemporaine, et ses interprètes refusant de jouer de peur que ce public pense qu’ils jouaient mal, il part à New York s’acheter une perforeuse de partitions pour ne pouvoir dépendre que sur ce gadget déjà bien obsolète à son époque qu’était le piano mécanique. Ses premiers rouleaux sont plutôt abordables techniquement : c’est du ragtime, et c’est plutôt jouable par des êtres humains, s’ils jouent plus lentement.
Extrait 2 - "Study 3a"
Où se situe la difficulté ?
Après ses premiers rouleaux très ragtime, il entend bien profiter des possibilités INFINIES du rouleau pour tenter l’impossible rythmique. Parce que sa musique n’est pas juste de la polyrythmie compliquée, ce n’est pas juste la main droite qui fait trois notes pendant que la main gauche en fait deux, mais plutôt une ligne à un tempo, et une autre ligne à un autre tempo, avec une relation de proportion entre ces tempos : ça peut être pi, ça peut aussi être des rapports du type 2/1, 3/2, 4/3, 5/4 (les mêmes rapports qui, niveau hauteur de notes, donnerait l’octave, la quinte, la quarte et la tierce).
En somme, cela veut dire que, lorsqu’il mélange les tempos, il réaffirme qu’une note est un rythme. Un la, c’est quelqu’un qui frappe dans ses mains 440 fois par seconde. Son étude 37 par exemple, a 12 tempos différents, c’est-à-dire le même nombre de tempos que de notes dans la gamme.
Là, nous allons nous quitter avec une expérience assez folle et passionnante : puisqu’un seul humain ne peut jouer un rouler de Conlon Nancarrow, est-ce que tout un orchestre peut ? Voici l’étude 7, et c’est orchestré de façon géniale.
Extrait 3 - Study 7
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