La pandémie continue de faire disjoncter les circuits du commerce mondial. Selon une récente étude du spécialiste de l'assurance-crédit Euler Hermes, le prix du fret maritime en provenance de Chine pour les firmes européennes pourrait flamber de 6% d'ici la fin du mois d'avril en Europe. Du côté des Etats-Unis, cette hausse serait plus contenue (+2%). Depuis maintenant plusieurs mois, de nombreux industriels et économistes tirent la sonnette d'alarme sur ces risques. Certains sites freinent leur production en raison des pénuries de conteneurs.
La pénurie de conteneurs fait flamber les prix
Le marché du fret maritime est actuellement sous haute tension. En effet, de nombreux porte-conteneurs et conteneurs sont actuellement bloqués dans les ports en raison notamment de la mise en oeuvre des restrictions sanitaires. Résultat, il n'y a actuellement pas assez de caissons en Chine pour assurer les livraisons vers le reste du monde. Ce qui fait flamber les prix du fret à l'échelle du globe. Le Freightos Baltic Index, un indice qui mesure le prix du transport par conteneurs a presque quadruplé en trois mois pour la route de la Chine vers l'Europe, passant de 2.119 dollars le 1er novembre à 7.827 dollars la semaine dernière. Du côté du cabinet de conseil Drewry, l'indice mondial du conteneur s'est envolé ces derniers mois. "Le prix du fret maritime entre l'Europe et l'Asie a pratiquement quadruplé et celui entre les Etats-Unis et l'Asie a doublé ces derniers mois" explique Françoise Huang, économiste Asie chez Euler Hermes interrogée par La Tribune.
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Les mesures sanitaires plus strictes à l'intérieur des ports, des centres logistiques ou encore des dépôts de stockage de conteneurs vides, à l'œuvre dès les débuts de la pandémie de Covid-19, ajoutent toujours leurs grains de sable à chaque étape de la chaîne logistique pour créer in fine de véritables goulets d'étranglement.
Un risque sur l'inflation ?
L'augmentation du coût du transport a d'abord un impact sur les marges des entreprises. Si les firmes de transports tirent leur épingle du jeu, les autres pourraient rogner sur leurs marges. "L'activité a repris en Chine plus vite, ce qui a provoqué des déséquilibres. L'appréciation du Yuan a eu des répercussions sur le prix des importations des partenaires commerciaux. Nous prévoyons une hausse de 6% en glissement annuel. d'ici pour les entreprises européennes et de 2% d'ici juillet aux Etats-Unis. Cette hausse du coût de transport devrait d'abord avoir un impact sur les marges des entreprises. Les entreprises de fret ont vu leurs marges augmenter. En revanche, les entreprises importatrices en zone euro pourraient voir leurs marges baisser entre -4,5 et -7 points de pourcentage et aux Etats-Unis entre -2 et -4 points de pourcentage selon les scénarios de transmission sur les prix consommateur. Cela dépend du choc subi par les ménages pendant la crise" a-t-elle indiqué. Il est encore difficile à ce stade de faire des paris sur l'évolution des prix à la consommation. "A court terme, c'est d'abord un choc sur les marges des entreprises. A moyen terme, la pandémie a accéléré la place de la Chine dans l'économie mondiale. Son centre de gravité s'est rapidement déplacé vers l'Asie. Compte tenu du poids économique grandissant de la Chine, cela pourrait avoir un impact sur l'inflation mais il est encore difficile à ce stade de faire des scénarios. Il pourrait y avoir plus de volatilité sur certains produits comme les semi-conducteurs." Plusieurs industriels dans l'automobile souffrent actuellement de graves pénuries de composants et puces électroniques.
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L'Allemagne et la France exposées
En Europe, les entreprises allemandes dépendantes de la Chine pourraient accuser de lourdes pertes de l'ordre de 36 milliards d'euros au cours du premier semestre 2021. Du côté de la France, les entreprises importatrices devraient également voir leurs marges fondre avec un manque à gagner estimé à 23 milliards d'euros au cours des six premiers mois de l'année. "Cette pénurie, couplée à d'autres facteurs (réorganisation des chaines de valeur, interruptions de la production, renforcement des restrictions sanitaires), a pour conséquence de rallonger les temps de livraison. Nous estimons que ce rallongement des temps de livraison pourrait coûter -1,2 point de croissance au PIB de la zone euro en 2021, et -0,7 point de croissance au PIB des USA", ajoute Ana Boata, directrice des recherches macroéconomiques d'Euler Hermes.
Interrogé il y a une semaine par La Tribune, le ministre délégué en charge du commerce extérieur, Franck Riester, assure avoir échangé à plusieurs reprises avec les transporteurs maritimes comme CMA-CGM. "Malgré la baisse des échanges de volumes mondiaux, il y a eu un renchérissement des coûts en lien notamment avec les mesures sanitaires [...] Les pénuries de conteneurs ont contribué à augmenter les coûts. Il faut une meilleure appréhension des mesures de transport. Pour les armateurs, il y a un enjeu pour stabiliser le coût du transport maritime. Les contraintes sanitaires ont eu un impact. Les entreprises travaillent actuellement sur un réajustement de leurs capacités" a-t-il précisé.
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La Chine fait la course en tête
La propagation du virus sur l'ensemble des continents depuis plus d'un an a fortement secoué les chaînes de valeur mondiales. L'extrême dépendance des pays occidentaux à la Chine et aux pays asiatiques pour les produits critiques notamment a jeté une lumière crue sur les limites de l'hyper-mondialisation commerciale poussée à l'extrême. Certains observateurs estiment que cette crise pourrait rebattre les cartes du commerce planétaire dans les années à venir si l'Europe et les Etats parviennent à relocaliser une partie de la production de certains produits. Il reste que l'ambition hégémonique de la Chine par le biais des Nouvelles routes de la Soie demeure une priorité sans cesse réaffirmée par les autorités du Parti communiste. Sur l'échiquier du commerce mondial, le géant chinois qui a signé récemment un traité de libre-échange (RCEP) avec ses voisins asiatiques fait largement la course en tête depuis le milieu des années 2000.
"Malgré la pandémie, la Chine comme localisation de production et les fournisseurs chinois continueront de jouer un rôle important dans les chaînes de valeur mondiales, d'après de récentes enquêtes. Certains phénomènes de régionalisation pourraient avoir lieu mais sur des segments limités à court terme [...] L'économie chinoise a redémarré plus tôt. Cela lui permet de se projeter plus rapidement dans l'après-covid. La signature de ce traité de libre-échange envoie un signal fort sur la position de la Chine sur le multilatéralisme. L'impact sur les droits de douane est plus lissé dans le temps. Le RCEP est le premier accord multilatéral que signe la Chine" a rappelé l'économiste.
Grégoire Normand7 mn
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