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"Fils de" : le professeur Mimoun publie un livre en hommage à son père disparu

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"Fils de" : le professeur Mimoun publie un livre en hommage à son père disparu
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Le professeur Maurice Mimoun dirige le service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique de l'hôpital Saint-Louis à Paris et le Centre de brûlés. Il est également écrivain et après avoir publié L'impossible limite en 1996, dans lequel il racontait son métier, notamment son éthique ou encore Et la mort peut attendre en 2014, aujourd'hui même, il sort Fils de aux éditions Albin Michel. Un livre qui rend hommage à son père disparu.

franceinfo : Pour vous, chaque être est un roman et là, en l'occurrence, votre père est à lui tout seul un héros à série.

Maurice Mimoun : Oui. J'ai eu beaucoup de mal à écrire sur mon père. Quand il est décédé, il y a dix ans environ, évidemment, comme j'aime écrire, s'est posée la question d'écrire sur lui. C'est un enfer parce qu'à la fois, on écrit et à la fois, on n'a pas envie d'écrire. Je m'étais aperçu avec notamment L'impossible limite que lorsqu'on écrivait une période de sa vie qui nous obsédait un peu, eh bien on l'oubliait un peu. On la mettait dans un tiroir, on était comme rassuré parce que c'est écrit, donc toujours là. Et je ne voulais pas oublier mon père ni le ranger dans un tiroir.

Vous vous adressez également à votre maman en lui disant : "Ne prends pas ça pour un affront, n'imagine pas deux secondes que c'est parce que je t'aimais moins, ou que je t'aime moins, c'est juste que j'ai besoin d'écrire sur mon père".

C'est pour ça que le livre s'appelle Fils de, on est le fils de son père et de sa mère, il n'y a pas de doute. Je lui explique que c'est très injuste parce que moi, j'ai eu la chance d'avoir deux parents aimants de manière infinie, mais l'amour de la mère, c'est assez évident, on lui dit d'une autre manière, le père, c'est plus compliqué donc on a plus besoin d'écrire sur lui.

Vous dites : "Une mère est toujours là et un père revient toujours".

Une mère est toujours là et je me suis demandé si c'était pour tout le monde comme ça, mais en tout cas, pour moi, c'est ça. Mon père travaillait, il faisait le marché, il a eu plusieurs périodes dans sa vie donc on l'attendait et il revenait toujours.

Votre père s'appelait Charles et était fils d'agriculteur, débarqué d'Algérie. Votre grand-père était cultivateur à Constantine. C'est votre père mécanicien, puis inventeur et triple vainqueur du concours Lépine, qui vous a initié au maniement des outils. C'est lui qui vous a donné envie de sauver des vies, de réparer des gens. C'est lui qui vous a donné confiance en l'avenir et en l'humanité.

Il faut en laisser un peu pour ma mère. Sauver des vies, je pense que ma mère y est pour autant parce qu'il y a une sorte d'amour de l'autre qu'elle avait. Mais oui, je me suis rendu compte à sa mort que c'était un être incroyable, modeste parce qu'il ne se mettait pas en avant. C'était le chef de famille, il a poussé ses enfants, j'ai deux sœurs, et surtout, il n'était pas cultivé au sens où on l'entend aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il ne lisait pas.

Qu'est-ce qui fait que vous ayez eu envie de devenir ce que vous êtes aujourd'hui ? Vous écrivez : "On fait médecine pour sauver ses parents, mais ça ne marche pas".

La plupart des gens ne s'en rendent pas compte, ils font médecine pour sauver leurs parents, mais ça ne marche pas.

C'était le point de départ pour vous ?

Je m'en suis aperçu à la mort de mon père et ça ne marche jamais. Ce n'est pas anodin de faire médecine. Oui, je voulais faire chirurgien parce que j'ai travaillé de mes mains depuis ma tendre enfance, dans l'atelier de mon père et c'était très important et j'étais fasciné par ce travail. D'ailleurs, ce n'est pas parce qu'on est habile de ses mains qu'on y arrive facilement à la chirurgie. C'est un point nécessaire, mais pas suffisant.

Ça représente quoi, justement, de réparer des gens pour vous au quotidien ?

Être médecin d'abord, c'est quelque chose d'incroyable parce qu'on ne se pose pas la question du sens. Et ça, c'est une chance inouïe. On fait des actes inestimables, incroyables, indiscutables, en donnant à l'autre, c'est une chose qui rassure énormément. Après chirurgien, j'ai le plaisir du geste. C'est vrai qu'il y a un côté artistique dans la chirurgie plastique lorsqu'on arrive à dominer son métier qui est incroyable. Vous savez, des gestes aussi se passe d'un maître à l'élève, mais aussi de ses parents. C'est la même chose. Donc, j'ai un plaisir formidable d'opérer. Je ne me lasse pas même d'enlever un grain de beauté. Je n'ai pas besoin de faire une prouesse.

Je voudrais terminer en vous demandant ce que vous gardez le plus de lui en vous parce qu'il fait partie de vous.

C'est son rire. Il avait un rire un peu rauque, avec des saccades et son sourire.

Il vous a appris aussi la liberté, l'ingéniosité, l'habilité, la détermination. Et pourtant, l'un et l'autre, vous ne vous êtes jamais dit : "Je t'aime".

C'était tellement évident. Non, on ne se l'ait jamais dit et je m'en suis aperçu à sa mort, mais il n'a jamais douté de mon amour et je n'ai jamais douté du sien. Ce n'était donc pas la peine.