Bécasse outre manche
En partant pour la Cornouaille, à l’extrême sud ouest de l’Angleterre, je ne pouvais m’empêcher d’établir un paraout son sens lorsque nous chassons à proximité de lieux rendus cultes par l’histoire de la table ronde du Roi Arthur, tels que Camelot ou Tintagel.
Mais c’est surtout la quête d’un objet tant désiré qui me fait penser que la démarche des bécassiers, qui peuvent vouer une vie entière à la recherche de cet oiseau, n est pas si éloignée de celle des chevaliers qui, à la poursuite du saint Graal, pouvaient traverser terres et mers. Le parallèle historique s’arrêtera là, rassurez-vous !
La Cornouaille, c’est avant tout un petit coin de paradis en Angleterre. Loin de la grisaille Londonienne, cette région est un peu ce que la Côte Basque est à la France. Restaurants en bord de mer, petits ports de pêche traditionnels, des centaines de kilomètres de plage et aussi, ou plutôt surtout, des bécasses. Délaissé par l’agriculture céréalière massive, la Cornouaille est un ensemble de petites parcelles, entrecoupées de haies, de boqueteaux et de friches. Les bécasses trouvent là bas un couvert approprié. Bien à l’abri dans leur couvert, les mordorées n’ont que quelques coups d’ailes à mettre pour s’alimenter dans de petites prairies vertes et tendres. La météo souvent pluvieuse et les températures douces aident également. Rares sont les gels prolongés ou les neiges persistantes.
En décembre et en janvier, certaines bécasses stationnées dans le centre de l’Angleterre ou en Ecosse, descendent, poussées par le froid, et trouvent leur bonheur sur les côtes du sud de l’Angleterre. Cette conjoncture météorologique explique que, même si la Cornouaille abrite en temps normal une superbe population de bécasses à partir de fin novembre, ces coups de froid dans le pays donnent parfois lieu à des « tombées » exceptionnelles où il n’est pas rare de lever plus de cinquante bécasse dans la journée. Dernier point positif, la régulation continuelle des nuisibles et la TRES faible pression de chasse offre des jours heureux aux mordorées. Les « bons coins » sont très peu chassés, seulement une ou deux fois dans la saison, exceptionnellement trois, avec toujours plusieurs semaines entre deux visites. Le nerf de la guerre est donc d’être conseiller par un organisateur sérieux qui vous permet de chasser sur suffisamment de terrains sans tourner en rond ou refaire certaines parcelles.
Le décor est planté. Il est tant de partir chasser. La bonne période s’étale de fin novembre à fin janvier. Le reste n’est que pronostic car c’est la météo qui dicte sa loi. Pour nous ce sera décembre. La météo a été capricieuse avant notre arrivée. Les tempêtes se sont succédées le long de la côte et les températures sont un peu élevées pour la saison. Mais c’est un ciel bleu qui nous accueille, accompagné d’une légère gelée matinale. Cette configuration ne laisse pas de place au doute quant à la stratégie à adopter.
Direction les vallées encaissées, où serpentent bien souvent de petits ruisseaux. Ces spots ne gèlent que très rarement et sont de superbes remises lorsque les températures frisent le négatif. Côté chasse, rien de comparable aux grands massifs forestiers Français. Ici, nous parcourront au cours de la journée une multitude de « hot spot ». Certaines zones sont parcourues en 30 ou 40 minutes. La chasse se fait devant soi, avec vos chiens ou les chiens des guides. Nombreux sont désormais les Français qui partent créancer ou perfectionner leurs chiens d’arrêt. A quelques heures de la sortie du tunnel sous la manche, c’est un véritable centre d’entrainement sur bécasse qui attend les chasseurs. Les guides ont l’habitude d’accueillir des chasseurs voyageant avec leur propre chien. Les gardes sont là pour vous guider et vous conseiller mais vous laissent une totale autonomie pour laisser quêter votre auxiliaire.
Soyons concrets…. Je vous invite à revivre une de nos journées de chasse de décembre 2013. Le départ se fait après le fameux « english breakfast », copieux mais utile pour tenir la journée. Les hébergements ont l’avantage d’être centraux et en quelques minutes nous voilà sur le terrain, laissant les chiens se dégourdir. Mélange de pression et d’impatience, les départs de chasse sont les mêmes dans tous les pays. Petit briefing sur le premier spot de la part du guide qui nous conseille, en fonction du vent, sur la manière de faire travailler les chiens.
Ce premier endroit, ou « beat » en anglais, se compose d’un flanc de colline boisé recouvert au sol par un tapis de ronce, long d’environ 600 mètres et large d’une soixantaine de mètres. Les chiens travaillent lentement, les émanations sont nombreuses et les bécasses peuvent rapidement se déplacer devant les chiens, ces derniers ayants parfois du mal à franchir certaines parties. La première bécasse décolle après un arrêt bref au bout de 2 minutes (montre en main). Le ton est donné. Cette première bécasse anglaise sera manquée … mettons ça sur le compte de la surprise!
Deux chiens quêtent dans le coteau. Une autre bécasse est rapidement bloquée. Le second chien patronne. Le spectacle est superbe mais servir le chien n’est pas facile car il faut traverser les ronciers. A peine le temps d’arriver sur l’arrêt qu’une bécasse décolle, immédiatement suivi d’un deuxième … pairon !! Une bécasse sera prélevée par mon compagnon resté en contre bas. Pas le temps de se congratuler, les chiens sont déjà repartis. L’attente ne sera pas longue … nouvel arrêt quelques dizaines de mètre plus loin. Celle-ci ne nous attendra pas. Il faut préciser que malgré cette densité de bécasse extraordinaire, les dames des bois aiment, comme chez nous, se jouer des chasseurs. Retour à la chasse … après plus de 30 minutes à battre lentement ce roncier, ce n’est pas moins de 9 bécasses que nous lèverons. Quatre seront tirées et deux seront prélevées.
Changement de zone. Le nouveau spot respire la bécasse. En nous garant sur les hauteurs d’une petite colline, se dessine devant nous une cuvette qui serpente entre deux versant de prairie. Un petit ruisseau coule au milieu de ce bas-fond humide, limite marécageux. Nous marchons chacun d’un coté, laissant les chiens évolués tranquillement entre nous. Une fois de plus, l’attente ne sera pas longue avant le premier arrêt. Mais cette fois ci c’est un cop faisan qui fera les frais de nos talents de tireur (en toute modestie). Passionnés par la bécasse, nous restons des chasseurs polyvalents et j’avoue aisément que la diversité me plait également. Je dirais même plus qu’il serait dommage de parcourir des terrains si giboyeux en se privant de certains plaisirs. C’est dans cette logique que notre tableau final ne comptera pas seulement nos chères bécasses, mais aussi quelques lapins, pigeons, faisans, canards et bécassines.
Bref … après ce premier faisan, nous reprenons la marche. Nous voyons rapidement plusieurs bécasses décoller au bout de la parcelle. En effet, malgré la faible pression de chasse, certaines bécasses semblent être présentes depuis quelques temps et connaissent fort bien le danger que représente les chiens et les hommes. C’est le jeu.
Il ne faut pas croire venir ici chasser des oiseaux plus faciles. Ce sont les mêmes bécasses que chez nous, aussi intelligentes et aussi passionnantes. A l’exception qu’une bonne journée ici dénombre facilement le nombre de bécasses que je peux voir en chassant chez moi en France sur une saison. Le record 2012 est de 110 levées sur la journée, en Janvier. Le record 2011 était de 76 bécasses levées fin Décembre. Mais la raison impose de venir ici avec des objectifs moindres pour ne pas être déçu. Ainsi une moyenne de 20 à 30 levées par jour parait fidèle à la réalité.
Retournons sur le terrain. Malgré quelques bécasses légères, ce spot aura largement tenu ses promesses. Bilan : 8 arrêts, 6 bécasses tirées et 2 prélevés. Je précise ici que nous ne tirions qu’à l’arrêt des chiens. Le compte aurait pu être plus élevé si nous l’avions voulu mais le but est ailleurs et le plaisir réside dans le travail des chiens et dans le nombre de bécasses levées.
Dernière zone avant la pause déjeuner au pub local. La zone est petite mais les attentes du guide sont grandes. Il s’agit, une nouvelle fois, d’une cuvette humide au couvert épais qui serpente entre deux collines. La zone ne fait que quelques centaines de mètres de long et pourtant … 7 bécasses en sortiront. Il est par contre quasi impossible d’aller servir le chien si celui-ci prend un point un milieu des couverts, tellement les buissons sont denses par endroit. Le sol marécageux rend la marche délicate et il vaut mieux prévoir une paire de chaussette de rechange (croyez en mon expérience). Le guide nous est d’une aide précieuse et nous aide à faire couler les chiens pendant que nous cherchons un angle de tir dégagé (sécurité avant tout). Le guide local se faufile avec une facilité déconcertante sous les branches. Malgré le nombre de journées passées à la chasse, j’admire la passion de ces gardes et leur dévouement envers les chasseurs. Chaque levée les réjouit (presque) autant que nous. Nous quitterons la zone avec plus de douilles que de bécasses, mais qu’importe !
Une pause au pub s’impose pour déguster une bière locale et les fameuses « pies » Anglaise, comprenez tartes ou tourtes.
Une fois restauré, le plan est simple. Compte tenu de l’heure du couché de soleil, nous optons pour battre une dernière zone à bécasse avant d’aller s’installer pour une passée aux canards. Une heure de chasse intense cette fois ci encore durant laquelle nous allons lever 5 bécasses différentes. Les chiens nous gratifieront de superbes arrêts à patron. Que demander de plus. Ainsi s’achève notre journée avec les chiens mais la chasse ne s’arrête pas la car le guide nous promet une passée sympa avec au menu, si tout ce passe bien, quelques belles attaques de colverts et de sarcelles.
Visiblement, l’Anglais ne ment pas. Installés dans une vallée décaissée autour d’une marre d’une trentaine de mètres de large, la nuit tombe rapidement et les canards ne tardent pas à faire attendre les sifflements de leurs ailes. La visibilité est très difficile car la nuit est très sombre et la profondeur de la vallée n’aide en rien avec une ligne d’horizon extrêmement haute. Mais les canards sont bien là … colverts, sarcelles et un groupe de siffleurs. Les sarcelles sont, dans ces conditions, des cibles très difficiles mais au combien amusantes. La passée est dense mais courte et au bout d’une demi-heure d’action, nous décidons d’arrêter. Nous ramasserons ce soir là 9 sarcelles, 5 colverts et 1 siffleur. Nous avons également dénombré plus de 10 bécasses passées sur nos têtes pour partir se ravitailler dans les prairies alentours …. Quel spectacle !
Les autres journées seront du même acabit. Le Sud Ouest de l’Angleterre est réellement une terre de bécasses, une terre faite pour les bécassiers avides de sensations avec leurs chiens. Mais quel paradis cynégétique au sens large avec une faune sauvage omniprésente. Et, pour taire les rumeurs une bonne fois pour toute, l’accueil est juste exceptionnel et nous avons passé de superbes moments à table, à déguster des fruits de la mer et quelques bonnes viandes.
Pierre-Jean Lacombe
Samsung Galaxy S22, Uncharted et pl...
Tesla : on peut maintenant profiter...
EM – Diffusion en direct de Butler...
Nantes. Un enfant victime d’un acci...